Paul-Louis Courier, Une �criture du d�fi. Tous les pamphlets, �dition �tablie par Michel Crouzet, ouvrage publi� avec le concours du Centre National du Livre, Paris, �ditions Kim�, 2007, 474 p., ISBN 978 -2-84174-425-1.
En mati�re d��dition et de critique universitaires, il est des constantes qui rassurent. L�une d�entre elles consiste en la remarquable qualit� des travaux de Michel Crouzet, d�cid�ment infatigable (signalons seulement sa toute r�cente et admirable �dition de Lucien Leuwen au Livre de Poche), pour les plus grands bonheur et profit des dixneuvi�mistes. Il nous offre ici une v�ritable �dition compl�te des pamphlets de Paul-Louis Courier, la premi�re depuis celle, d�j� ancienne, de Maurice Allem, parue dans la Biblioth�que de la Pl�iade en 1951, puis en 1964. � la diff�rence de son pr�d�cesseur, qui avait distingu� pamphlets politiques, pamphlets litt�raires et textes pour proc�s, Michel Crouzet adopte un ordre chronologique, arguant � juste titre de ce fait que la pol�mique de Courier est une et se confond dans son mouvement avec la vie m�me de l�auteur. Ne se contentant pas de simplement disposer et annoter les textes dans cet ordre, en leur restituant leurs titres originaux et leur signatures presque fantaisistes, Michel Crouzet les situe pr�cis�ment dans le cadre des vies personnelle et publique de Courier, � si souvent fondues l�une dans l�autre dans une relation sans doute plus libertaire que lib�rale du public et du priv� � (p. 41). Cela seul suffirait � rendre cette �dition indispensable. Mais, d�lectable cerise sur le succulent g�teau, les 32 pages de la pr�face, intitul�e � Un paysan qui sait le grec et le fran�ais : Courier et le romantisme �, peuvent �tre qualifi�es de petit chef d��uvre d�intelligence et constituent en r�alit� un essai d�cisif sur Paul-Louis Courier, proposant de surcro�t un angle d�attaque du romantisme des plus stimulant. �l�gamment �crit, dense, vigoureux, il sugg�re de placer Courier � dans la mouvance du romantisme stendhalien � (p. 9), ce � c�t� gauche du romantisme � (ibid.). Le pamphl�taire � de circonstance et de naissance (p.11) mesure tout � l�aune de son moi alcestien qui devient personnage de lui-m�me, se d�finissant comme non-�crivain, engag� cependant dans une guerre stylistique contre un Ancien R�gime indiff�remment litt�raire et politique. Voil� pourquoi � le combat politique contient la pol�mique litt�raire � (p. 17) et � la lutte des partis, la lutte des classes devient bataille de mots � (p. 18). Courier se veut alors � du peuple, est le peuple [�], dans une identit� impersonnelle, virtuelle et r�elle � la fois � (p. 21). Dimension politique, et � au-del� dimension "romantique", une sorte de pens�e implicite qui est bien "le romantique", sa volont� ironiste de brouiller les axiologies et de perturber les oppositions toutes faites, les donations �tablies de sens � (p. 22). Comment mieux dire alors que � le pamphlet, c�est le romantisme, la mont�e de l�en bas, qui ne veut pas se mettre en haut � (p. 23) ? on comprend alors qu�il ne faut pas s�parer dans Courier � l�esth�te et le politique �, ce qui conduit Michel Crouzet � l�identifier comme � �crivain marotique � (ibid.), adepte d�une �criture de la gaiet�, d�un retour mesur� � une langue archa�que, libre, populaire, affectant essentiellement la syntaxe, privil�giant de mani�re originale une phrase � �lastique � (p. 32). Chez Courier, qui plus est, le comique ne se cantonne pas � l�assassinat de la Restauration par le ridicule. Il touche � l�absurde, d�non�ant le r�gne du non-sens, ou du � sens � l�envers � (p. 36). Par la justesse de son analyse, Michel Crouzet rend admirablement justice au miracle de Courier, tout en le contextualisant de convaincante et �clairante fa�on. Plus qu�� une �dition, nous avons droit � une r�surrection. Quoi de neuf ? Courier, bien s�r�
G�rard GENGEMBRE |