Faivre d�Arcier (Catherine), Lovenjoul (1836-1907). Une vie, une �uvre, pr�face de Monsieur Gabriel de Broglie, de l�Acad�mie fran�aise, Paris, �ditions Kim�, collection � La chasse au Snark �, 2007, 282 pages, 10 illustrations. La biblioth�que Lovenjoul1, install�e depuis 1987 � la Biblioth�que de l�Institut de France, 23 quai Conti � apr�s un long s�jour � Chantilly �, est bien connue de tous les chercheurs qui s�int�ressent au romantisme fran�ais. Elle contient une remarquable collection de journaux du XIXe si�cle ainsi qu�un nombre consid�rable de manuscrits et d�autographes de Musset, Gautier, Sand, Balzac, etc. Pour ce dernier en particulier, les achats group�s de manuscrits et de lettres effectu�s par le vicomte en avril 1882 � la suite de la mort d��ve de Balzac, repr�sentent un tr�sor inestimable sans lequel la critique balzacienne ne serait pas ce qu�elle est aujourd�hui. Gr�ce � la minutieuse biographie de Catherine Faivre d�Arcier, nous sommes en mesure d�assister aux apprentissages et � l��panouissement d�un grand intellectuel europ�en de la seconde moiti� du XIXe si�cle. Car le vicomte belge, Charles de Spoelberch de Lovenjoul, ne s�est pas content� de consacrer sa vie et sa fortune � la qu�te de journaux, d��ditions rares et de manuscrits romantiques, il a contribu� � red�finir les fronti�res du litt�raire. Avec lui s�amorcent les grandes lignes d�une m�thodologie qui n�est pas sans provoquer encore aujourd�hui quelques r�ticences, mais qui a �galement permis � la recherche litt�raire de se rattacher aux sciences humaines. Le domaine de la culture �crite � la n�tre � est immense. Roger Pierrot2 a � juste titre insist� sur le lien qui rattache l�actuelle g�n�tique litt�raire � cette �rudition exemplaire, d�ailleurs port�e par une passion et une abn�gation �minemment respectables, qui fut celle de Charles de Lovenjoul. Insistant � maintes reprises sur le fait que Lovenjoul, d�s l�origine et jusqu�� la fin, s�int�resse plus au contenu des textes qu�� l�objet, Catherine Faivre d�Arcier retrace toutes les �tapes de cette formation intellectuelle. � vingt ans � peine, au moment de sa premi�re rencontre avec le libraire Michel L�vy, en 1853 ou 1855, le jeune homme recherche les articles publi�s par Gautier dans des revues et des journaux. Non content d��tre d�j� un virtuose de la bibliophilie, il a conscience de l�importance des premi�res publications et de la n�cessit� de l�exhaustivit�. Il a compris, sans doute le premier, l�int�r�t de la presse quotidienne. � cette �poque, il n�avait pas lu Balzac, mais le travail qu�il fit ensuite avec Michel L�vy sur l��dition des �uvres compl�tes le renfor�a dans ses premi�res convictions. On ne peut s�emp�cher de penser que l��crivain, � travers une �uvre faite de s�ries, de cat�gories et de classements, a parachev� la formation du � Balzacien � qu�il m�ritait. Et il ne s�agit pas seulement d��rudition, mais d�un choix esth�tique que Lovenjoul a maintenu tout au long de sa vie : � Offrir au public l�int�gralit� d�une �uvre relevait pour lui d�une question d�honn�tet�, dont la r�putation d�un auteur ne pouvait souffrir. Et entourer l�homme d�un minimum d�apparat critique (dates pr�cises, variantes, notes explicatives, citation de fragments semblables mais permettant de saisir la gen�se des textes) lui paraissait indispensable pour mieux faire comprendre et appr�cier le labeur de l��crivain. � (p. 68) Catherine Faivre d�Arcier donne en annexe la liste des �uvres � la publication desquelles contribua Charles de Lovenjoul : Balzac, Sand, Gautier, Dumas p�re et fils, Baudelaire, M�rim�e, Berlioz, Feydeau, etc. On regrette de ne pas disposer d�une semblable synth�se r�capitulative pour les articles et les �uvres de Lovenjoul lui-m�me, mais il est vrai que l�essentiel reste ses collaborations avec les �diteurs d�� �uvres compl�tes � et bien entendu la constitution de son irrempla�able Collection. Lovenjoul a pu conna�tre Gautier et George Sand � la fin de leur vie, mais �videmment pas Balzac, mort en 1850. D�ailleurs, surtout lorsqu�il s�agit de manuscrits et d�autographes, le r�le du collectionneur, essentiellement posthume, consiste � �viter que les traces ne disparaissent avec la dispersion. C�est donc aux h�ritiers qu�il a surtout affaire. Les d�buts du march� de l�autographe contemporain remontent � la fin des ann�es 1870. N�gligeant d�abord les lettres, Lovenjoul s�int�ressa tr�s vite aux manuscrits. C�est en 1871, avec La Rabouilleuse, qu�il acquit son premier manuscrit balzacien. La passion des lettres lui vint vers 1875, lorsque l��diteur Maurice Dreyfous lui communiqua des lettres priv�es de Gautier, qui restait son �crivain pr�f�r�. Il fut s�duit par leur franchise. Les achats s�acc�l�rent alors, tant pour les lettres que pour les manuscrits. Ils manifestent une passion arch�ologique de d�couvreur de tr�sors engloutis que Lovenjoul lui-m�me a compar�e � celle de l��gyptologue. T�moin ce passage du livre de Lovenjoul, Autour de Honor� de Balzac, cit� par Catherine Faivre d�Arcier : � Enfin, par un beau jour de mai, nous sort�mes triomphalement de chez l�aimable �crivain [Eug�ne Cr�pet], en serrant contre nos bras, avec toutes les ardeurs de la possession, la bienheureuse �cole des m�nages, et certes aussi ravi de notre conqu�te que si, le premier, nous avions p�n�tr� dans une de ces royales s�pultures inviol�es de la vall�e du Nil, dont Th�ophile Gautier, dans Le Roman de la momie, raconte avec tant de feu la recherche passionn�e. � (p. 100) Cette soif de savoir et/ou de poss�der, de Jules Verne � Larousse, me semble au c�ur de notre dix-neuvi�me si�cle, et sans doute sa meilleure part. La chance des chercheurs litt�raires d�aujourd�hui est que le vicomte de Lovenjoul ait pr�f�r� acheter du papier �crit plut�t que des terres, des titres ou des usines. Il menait une vie sinon aust�re, du moins r�gl�e et fort studieuse. Nicole Mozet Universit� Paris-Diderot 1. L�gu�e � L�Institut de France et class�e par Georges Vicaire (1853-1921), la collection fut mise � la disposition des chercheurs en 1914. Le catalogue de Georges Vicaire a �t� publi� en 1960 dans une version condens�e : Chantilly, Biblioth�que Spoelberch de Lovenjoul, Paris, Biblioth�que nationale (Catalogue g�n�ral des manuscrits des biblioth�ques publiques de France, tome LII). 2. � Un pionnier des �tudes g�n�tiques. Le vicomte de Lovenjoul et Les Paysans de Balzac �, Genesis, revue internationale de critique g�n�tique, Jean-Michel Place, n� 5, 1994, p. 167-173.
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