Paysage et modernit�(s), textes r�unis et
pr�sent� par Aline Berg� et Michel Collot, Bruxelles, Ousia,
collection � Recueil �, n�18, 2007.
Apr�s Les Enjeux du paysage (1999) et Le Paysage :
�tat des lieux (2001), le pr�sent volume croise deux
directions que m�nent conjointement les deux initiateurs de ce
projet : la question du paysage et l� � �criture
de la modernit� �. Selon Michel Collot, c�est pr�cis�ment
au moment m�me de l�av�nement de l�id�e m�me de modernit�
que le lieu (antique, m�di�val) devient paysage. On passe d�une
conception mythologique, th�ologique, �pique (communautaire), �
l�exp�rience esth�tique d�un point de vue individuel, que l�on
pourrait dire romanesque, fruit d�une sensibilit� singuli�re.
Cette �mergence d�une conception moderne � l��gard de ce que
l�on appelle dor�navant le paysage est � la fois la cons�quence
d�une �volution philosophique et scientifique qui d�finit l�acte
de conscience comme repr�sentation cliv�e d�un objet pour le
sujet, mais �galement l�occasion paradoxale d�une r�union
solidaire � entre le dedans et le dehors, entre la conscience
et le monde que les progr�s de la raison moderne ont eu tendance �,
dissocier �. Baldine Saint-Girons fait d�ailleurs de la
difficult� de l�affirmation historique d�une telle compensation
de la sensibilit� sur la raison la cause essentielle de � l��chec
d�une philosophie du paysage avant Victor Hugo �. Cet
�quilibre romantique entre la repr�sentation d�un objet et
l�exp�rience subjective d�une sensibilit�, c�est peut-�tre
le concept de Stimmung, d�velopp� par le peintre allemand
Carl Gustav Carus (et analys� dans le volume par Alain Deligne),
qui en conceptualise le mieux la relation crois�e, le chiasme
sensible.
Yvon Le Scanff Lieux magiques. Magie des lieux. M�langes offerts �
Claude Foucart, �tudes r�unies et pr�sent�es par
Simone Bernard-Griffiths et Angels Santa, Clermont Ferrand, Presses
Universitaires Blaise Pascal, collection � R�volutions et
Romantismes �, n� 11, 2008.
La premi�re section de l�ouvrage (� Magie des
paysages �) pr�sente une double orientation de l�imaginaire
bien caract�ristique en effet de la pens�e romantique : vers
le dedans, vers le dehors ; dans l�intimit� d�une
recherche de soi, dans la qu�te d�une dimension mythique qui
puisse replonger l�individu aux sources vives d�une nature
transcend�e par une destin�e humanitaire. Pascale Auraix-Jonchi�re
explore la premi�re dimension, celle du � paysage mental �
et explique ainsi la � magie des neiges � chez Sand
comme figuration de l�int�riorit� du sujet et qu�te onirique de
l�identit�. Dans une autre analyse sandienne, Simone
Bernard-Griffiths montre, � propos de L�Orgue du Titan,
combien la dimension individuelle de l�exp�rience paysag�re est
bien le vecteur d�une transcendance du v�cu (le r�cit de voyage)
par l�imaginaire magique (le conte merveilleux) et l�universalit�
mythique d�un titanisme cosmique et musical. C�est ce m�me
mythe titanique qui int�resse �lise Radix dans son �tude sur le
� rocher romantique � qu�elle interpr�te
successivement, selon une chronologie interne du romantisme, comme
l�embl�me d�un mal du si�cle d�origine pr�romantique, puis
comme la repr�sentation mythique d�une r�volte prom�th�enne.
Enfin, dans le Mathias Sandorf de Jules Verne, le topos
de l��le est interpr�t� par �ngels Santa comme l�espace
utopique o� l�intimit� de l�amour et l�universalit�
mythique du couple �ternel trouvent id�alement un � havre
d�finitif �.
Jardins et intimit� dans la litt�rature europ�enne
(1750-1920), �tudes r�unies et pr�sent�es par Simone
Bernard-Griffiths, Fran�oise Le Borgne et Daniel Madel�nat,
Clermont Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, collection
� R�volutions et Romantismes �, n�12, 2008.
Au-del� de la profusion quantitative et de la profondeur
qualitative des contributions monographiques qui balisent l�ensemble
du champ litt�raire concern� (Diderot, Delille, Bernardin de
Saint-Pierre, Chateaubriand, Stendhal, Balzac, Michelet, Sand,
Nerval, Flaubert, Barbey, Maupassant, Zola, Copp�e, Barr�s, R�my
de Gourmont etc.), l�ouvrage propose des �tudes
synth�tiques qui d�finissent une progression dans l�histoire des
rapports entre jardin et intimit�. Sophie Le M�nah�ze analyse par
exemple le � jardin pittoresque � ou � sensible �
comme mise en sc�ne d�une intimit� hyperbolique (culture du
secret, de la dissimulation, de la retraite), comme une
repr�sentation du � jardin secret � qui entre en
contradiction avec son esth�tique de l�ouverture au monde
(naturel, social). Plus radicalement, le jardin romantique appara�t
alors clairement comme refuge et protection de l�intimit� contre
les dangers d�une soci�t� hostile : � le jardin est
un �cran � (Alex Lascar). Il est originaire, naturel,
solitaire. Dans le � jardin d�cadent �, selon Marion
Baudet, l�intimit� semble en revanche menac�e par une cl�ture
qui s�est hyperbolis�e en forclusion, par une profusion naturelle
qui est devenue menace d��touffement, par l�affirmation d�une
int�riorit� cliv�e et invertie qui s�est d�voy�e dans la
perversion et la d�naturation.
Yvon Le Scanff
L�Automne, �tudes rassembl�es et pr�sent�es
par Alain Montandon, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise
Pascal, collection � Litt�ratures �, 2007.
Dans cet ouvrage collectif, qui couvre tout le spectre de la
critique (de l�antiquit� au monde contemporain, de la litt�rature
au cin�ma, de l�Europe � l�Extr�me-Orient), l�approche
probl�matique du motif automnal se laisse ais�ment cerner au fil
des contributions comme une � saison mentale �
particuli�rement ambigu�, voire ambivalente. Christine Kossaifi
montre par exemple que, d�s l�antiquit� grecque, opora
d�signe � la fois l��t� qui n�est plus et l�hiver qui
n�est pas encore. Cette ambigu�t� en fait la belle
arri�re-saison de la maturit� mais aussi le signe pr�curseur de
la � d�composition finale �. La po�sie �l�giaque
latine telle que l�envisage R�my Poignault confirme cette
� ambivalence de l�automne �, saison de la maladie et
de la mort, saison id�ale de l��panouissement et de la maturit�.
On retrouve ces orientations probl�matiques dans l�approche
romantique du motif, dans l�expression d�un mal du si�cle
con�u, selon Fran�ois Kerlou�gan (� propos du Volupt� de
Sainte-Beuve), comme temps de l�apr�s-coup anachronique, d�un
� trop-tard � et d�un pas-encore indistincts et
ind�termin�s sur le plan socio-historique ; mais aussi avec
l�av�nement de la � femme automnale � (C�cile
Meynard), autrement dit la � femme de trente ans �, dont
les narrateurs stendhaliens et balzaciens qui ont chant� les
beaut�s singuli�res. Les � automnes balzaciens � en
g�n�ral, tels que les envisage Alex Lascar, conservent ce
feuillet� ambigu et � multiple � de significations
contradictoires li�es � l� � apog�e superbe et
�ph�m�re � des derniers feux de l��t�. Chateaubriand
op�re en ce sens une inflexion d�cisive avec les acquis de cette
sensibilit�. Si Rousseau avait d�j� d�plac� le point d�acm�
de l�automne en en faisant moins la saison de la maturit�
�panouie que celle du d�clin des forces vitales, Chateaubriand a
radicalis� cette appr�hension en faisant du mois de novembre (le
jeune Flaubert s�en souviendra), la saison id�ale de l�automne
qui devient d�s lors un temps de � temp�tes � qui
repr�sente la saison mentale d�une m�lancolie po�tique, d�une
� po�tique de la m�lancolie � (Mustapha Trabelsi). En
un sens, l�automne devient le temps de la maturit� cr�atrice :
temps de la r�trospection (on ne le dit pas assez : les
� joies de l�automne � sont joies de la rem�moration
autobiographique chez Chateaubriand), de la distance int�rieure
pour reprendre avec M. Trabelsi cette formule heureuse de Georges
Poulet, d�une arri�re-saison de l��me qui revient sur l��clat
flamboyant de la jeunesse. Ainsi � Opora, c�est la
porte ouverte sur l�Art � (Christine Kossaifi). Ce mode
automnal de l�appr�hension de la cr�ativit� devient en effet
pour le romantisme un point de vue et une modalit� qui
transfigurent la sensibilit� en discours : langage, texte,
litt�rature (F. Kerlou�gan). Ce point de vue automnal en tant que
point de vue sur le temps, sur l�identit� individuelle comme
�tre-temps (St�phane Chaudier, � L�automne proustien :
regards sur le temps �), sur le sens de la vie comme
dialectique de la m�tamorphose et du cycle, co�ncidence du
successif et du simultan�, � dur�e dans le changement �
selon Goethe dont Gerhard Neumann analyse l�Herbstgef�hl,
trahit donc le mode de pens�e d�une modernit� qui envisage la
lin�arit� du temps comme entropie, la marche de l�Histoire comme
d�cadence et l�homme comme �tre pour la mort. En cela le
motif automnal ne pouvait laisser indiff�rents les peintres
symbolistes (�tudi�s par Jean-David Jumeau-Lafond) qui y trouvent
l�occasion de repr�senter une civilisation cr�pusculaire perdue
dans le brouillard, comme les �crivains d�cadents qui en accusent
les traits (Jean Lorrain, �tudi� par Jean-Pierre Ricard ou
Maupassant par Laure Helms) jusqu�� son ext�nuation
m�ta-po�tique (� Mort de l�automne ? � de
Hugues Laroche � propos de la po�sie fin-de-si�cle).
Yvon Le Scanff
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