Sainte-Beuve, Correspondance g�n�rale. Lettres retrouv�es (t. I : 1823-1859 t. II : 1860-1869 et appendices). Recueillies, class�es et annot�es par Alain Bonnerot, Paris, Honor� Champion, coll. � Biblioth�que des correspondances, m�moires et journaux �, 2006, 2 vol., 780 p. et 726 p. Ces deux forts volumes s�ajoutent aux dix-neuf autres publi�s par Jean Bonnerot puis par son fils Alain Bonnerot entre 1935 et 1983. Ils compl�tent, toujours provisoirement, la monumentale Correspondance g�n�rale de Sainte-Beuve, forte d�sormais de pr�s de neuf mille lettres retrouv�es ou signal�es. Le dix-neuvi�me volume contenait d�j� un suppl�ment, et ceci explique que les premi�res ann�es de la carri�re de Sainte-Beuve soient ici peu couvertes. En revanche, les ann�es 1840, au cours desquelles Sainte-Beuve assoit de fa�on d�cisive sa position dans l�espace litt�raire et mondain, r�coltent une moisson particuli�rement riche. Il y est notamment question d�une �uvre �crite en marge de Port-Royal, le Chateaubriand et son groupe litt�raire sous l�Empire connu sous la forme des conf�rences prononc�es � l�Universit� de Li�ge en 1848 mais que Sainte-Beuve pr�pare minutieusement au cours de l�ann�e pr�c�dente gr�ce aux documents fournis par la veuve du po�te Ch�nedoll�. Le premier volume comprend �galement, parmi tant d�autres choses : des pr�cisions sur la deuxi�me �dition chez Delangle puis chez Renduel de Vie, Po�sies et Pens�es de Joseph Delorme, la premi�re lettre de Sainte-Beuve � Hortense Allart, qui restera sa correspondante tout au long de sa vie, une lettre de 1834 � Lerminier o� il s�explique sur son retrait du � parti social � de Leroux, des lettres relatives au projet de mariage avec Fr�d�rique Pelletier, une autre o� il accepte, lui � le plus loup-garou des c�libataires � d��tre le t�moin au mariage d�Ars�ne Houssaye (t. I, p. 249), et encore quelques � poisons � typiquement beuviens (l�inconsistance de Lamartine homme politique, l�orgueil de Villemain � l�Acad�mie fran�aise, etc.). Le second volume concerne les dix derni�res ann�es de la vie du critique. En raison d�un traitement plus complet encore dans la Correspondance g�n�rale (huit volumes sur les dix-neuf sont consacr�s � cette d�cennie), ce volume ressemble davantage � un inventaire des lacunes restantes : lettres suppos�es d�apr�s les r�ponses des correspondants, lettres sans date ou sans destinataire identifi�. Outre une tr�s longue lettre de 1867 �crite par le prince Napol�on sur la situation politique, d�j� publi�e par Jules Troubat dans la Nouvelle correspondance, le lecteur y trouve des lettres � de jeunes po�tes qui lui ont envoy� des vers, parmi lesquels Alphonse Daudet alors qu�il n�est encore que le petit Chose, des billets � des �diteurs, des reports de rendez-vous, etc. Cet �crin renferme toutefois deux tr�sors, gr�ce auxquels pourra continuer � s��crire le chapitre des relations de l�oncle Beuve avec ses femmes, amies ou amantes, connues ou inconnues. Le premier de ces deux ensembles r�unit la centaine de lettres envoy�es par Sainte-Beuve � Madame Blanchecotte, po�tesse ouvri�re que l�acad�micien a soutenu tout en entretenant avec elle une amiti� amoureuse pleine, comme souvent chez lui, de d�ceptions. Il y est question de l�actualit� de l�Acad�mie fran�aise, de versification, de la Belgique o� Madame Blanchecotte r�side et encore du C�nacle romantique que Sainte-Beuve n��voque jamais sans une douce nostalgie m�l�e de quelque rancune. L��crivain s�y livre aussi, plus ouvertement qu�� l�ordinaire : � Je me plais � cette vue monotone et simple des gens et des choses r�elles, �crit-il dans un jour o� sa t�che quotidienne ne lui p�se pas trop cela renouvelle la sensibilit�, et gu�rit de tous les faux grands airs si l�amour propre �tait tent� de s�y laisser aller. � (t. II, p. 432). L�autre pr�cieux ensemble est celui des lettres de la princesse Mathilde, connues depuis longtemps mais rest�es in�dites (les r�ponses de Sainte-Beuve ont �t� quant � elles publi�es d�s 1873 par Troubat). � travers ces lettres, souvent brutales et sans grande finesse, apparaissent les efforts d�une femme devenue princesse par coup d��tat pour �riger, en faisant notamment jouer � Sainte-Beuve le r�le d�interm�diaire de choix avec les hommes de lettres qu�elle d�sire s�attacher (Renan, Littr�, Taine), l�un des principaux salons du XIXe si�cle. L�int�r�t de cette Correspondance g�n�rale, comme d�autres (Georges Lubin pour Sand, Victor Del Litto pour Stendhal), tient beaucoup � la qualit� du travail de l��diteur. Alain Bonnerot a avec son p�re tant fr�quent�, d�cortiqu�, r�sum�, d�chiffr� Sainte-Beuve pendant soixante-dix ans qu�ils se sont en quelque sorte appropri� sa correspondance. � toute occasion l��diteur r�sume (plut�t que de citer, comme l�usage actuel le pr�conise), intervient, s�interroge sur un ton qui confine, forc�ment, � la � causerie �. La rigueur et l�exactitude du travail d��diteur n�en p�tit heureusement pas, hors quelques coquilles et quelques libert�s du c�t� de la ponctuation. Chaque lettre est minutieusement annot�e, class�e, discut�e quand une date ou une r�f�rence l�exige (on en trouvera un excellent exemple dans un note cherchant � identifier un lecteur m�content auquel Sainte-Beuve r�pond, ainsi que le sujet de son m�contentement Bonnerot se livre � une v�ritable petite enqu�te, passe d�une lettre � l�autre, fait appel aux recherches de son p�re, � des allusions trouv�es dans les Lundis, aux jugements de critiques beuviens �minents, pour enfin tirer sa probante conclusion). L�annotation et le double index (l�un recense les noms, lieux et titres cit�s, l�autre, absent des pr�c�dents volumes de la Correspondance g�n�rale, classe les th�mes directement relatifs � Sainte-Beuve) fournissent au lecteur, avec une pr�cision qui est le fruit d�une �rudition exceptionnelle, toutes les informations, historiques ou personnelles, n�cessaires � la lecture de ces lettres, pour peu que les volumes soient compuls�s pour ce qu�ils sont, � savoir l�indispensable suppl�ment � la Correspondance g�n�rale � laquelle il renvoie souvent. Les dix-neuvi�mistes y trouveront un aliment de choix qui les fera patienter jusqu�� � ce que soit entrepris, avec autant d��rudition et d�abn�gation esp�rons-le, l�autre grand chantier qu�exige l��uvre beuvienne : l��dition critique des Lundis. Anthony Glinoer Universit� de Toronto |