H�l�ne GOMART, Les op�rations financi�res dans le roman r�aliste : mod�les et symboles. Th�se de doctorat, soutenue � l�Universit� de Haute-Alsace � Mulhouse, le 19 octobre 2001. L�ample r�volution financi�re qui accompagne l�essor du capitalisme au XIX�si�cle fait �merger de nouveaux instruments financiers et des techniques op�ratoires jusqu�alors peu r�pandus. Les m�tiers bancaires et boursiers donnent naissance � des pratiques innovantes, des mod�les de transactions in�dits. Le d�veloppement d�une ing�nierie financi�re est d�autant plus visible que les intervenants financiers se font plus nombreux. Tandis qu�il se fait roman de soci�t�, le roman r�aliste se saisit de ces savoirs nouveaux qu�il assimile et ordonne � ses propres fins. L�observation micro�conomique des op�rations techniques financi�res choisies et mises en �uvre par le roman r�aliste fait appara�tre leur incidence consid�rable sur l��criture romanesque. De Balzac � Zola, la litt�rature porte la marque des puissants paradigmes financiers qu�elle v�hicule et contribue � fixer. Loin de participer de la seule constitution d�un champ r�f�rentiel utile � la fiction, l�op�ration financi�re, telle que la manient Balzac et Zola, �tend son modus operandi � toutes les composantes narratives, linguistiques, stylistiques du texte, jusqu�� devenir v�ritable matrice de l��criture romanesque. La circulation, qui d�signe chez Balzac la circulation de billets � ordre par endos successifs, sans contrepartie marchande, gouverne l��criture de C�sar Birotteau. Instrument financier de substitution, destin� � pallier les carences des institutions financi�res qui, dans l�histoire de la Restauration et dans la fiction balzacienne, tardent � organiser l�acc�s au cr�dit des entreprises commerciales ou industrielles, la circulation s�impose comme outil financier de dernier ressort. Par-del� son d�ploiement fictionnel, la circulation dans C�sar Birotteau, se r�v�le porteuse d�un sch�ma formel �tendu et extrapol� � toute l�organisation linguistique et di�g�tique du roman. Instrument de dette pr�pond�rant, � la fois courant et prohib�, interdit et d�sir�, r�f�rence historique exacte et mythologie romanesque obs�dante, la circulation constitue un paradigme majeur et devient le support d�une dialectique de la psych� du personnage. Endossant les contradictions du syst�me financier naissant, la figure de C�sar Birotteau op�re une int�riorisation du mon�taire. Le mod�le financier v�hicule d�s lors un mod�le corporel. Le corps du personnage devient, par homomorphisme, le si�ge de manifestations psychosomatiques financi�res. Dans une remarquable congruence, maux de t�te et troubles circulatoires viennent d�noncer l�insuffisance du capital et le danger la circulation, les fautes de gestion trouvant leur expression dans les congestions r�p�t�es du personnage. Dans cette disposition psycho-financi�re du parfumeur, la faillite op�re une catharsis qui conduit in extremis � la restauration psychique du personnage par remaniement de son rapport � l�argent et r�solution des contradictions n�es de la hantise de la circulation. Le travail romanesque de Balzac se d�finit alors comme un travail d�incorporation de probl�matiques financi�res. Les transactions boursi�res � terme constituent les op�rations g�n�ratrices de L�Argent de Zola, roman centr� sur la probl�matique du terme boursier et de la livraison de titres. Zola, frapp� par le caract�re performatif des �changes verbaux en Bourse, aborde les op�rations du march� � terme comme des op�rations linguistiques � � des �tres � part qui parlent un langage � part � � et isole ainsi la langue boursi�re en lui r�servant dans L�Argent un singulier statut autonymique : le mot s�y d�signe et s�y expose en tant que mot. L�autonymie participe d�une rh�torique de l�exhibition, encore sensible dans l�ample d�ploiement, parmi les acteurs du march� � terme, de la prolepse grammaticale, dans la propension boursi�re � la r�p�tition et � l�anadiplose, toutes structures verbales qui manifestent des sch�mes de pens�e riv�s � la concat�nation voire � la tautologie. A la r�currence de sc�narios linguistiques boursiers correspond la r�currence de sc�narios psycho-financiers, dont le personnage de Saccard est l�ex�cutant. Asservi � un irr�pressible d�sir de hausse des cours, acheteur � r�p�tition, Saccard, se r�v�le structurellement inapte � d�nouer sa position sur le march� � terme et � y r�aliser son b�n�fice. Le refus inconscient de tout terme le condamne � l�auto-d�voration du capital et le confine dans un auto�rotisme immature n�gateur de toute forme d�alt�rit� et d��change. L�op�ration manqu�e par Saccard permet � Zola d�inscrire, en contrepoint, sa propre conception de la r�alisation � terme. Observant des analogies de condition, de m�thode et de projet entre le sp�culateur � terme et le romancier, Zola aborde le march� � terme comme une forme requise par les n�cessit�s de son projet, l�op�ration financi�re fonctionnant alors comme m�taphore de l��criture. Par opposition avec les acteurs du march� � terme � Saccard pour l�achat � terme, Gundermann pour la vente � terme � d�couvert � et par diff�rence avec leurs op�rations, Zola propose une d�finition de l'�crivain et de � l '�criture � terme �. Ainsi le roman du terme oblique-t-il vers le questionnement du terme du roman, dont s�approche l�auteur des Rougon-Macquart lorsqu�il �crit L�Argent. La vanit� du terme boursier fait valoir tout le prix du terme litt�raire. Balzac et Zola trouvent en outre dans les op�rations financi�res des possibilit�s d�op�rations m�tanarratives, qui leur permettent de commenter leur propre �criture. Gestion financi�re et gestion romanesque du temps ont partie li�e. Le d�veloppement de l�anticipation financi�re va de pair avec le d�ploiement de vastes syst�mes d�anticipation narrative. Mais le choix d�une organisation proleptique du roman, qui pr�serve le lecteur de toute sp�culation sur son d�nouement, appara�t comme un dispositif antisp�culatif, le projet r�aliste s�inscrivant contre les d�rives du signe dans l�ordre financier. |