Boris LYON-CAEN, L'Etre et le sens. Une po�tique du signe dans "La Com�die humaine" d'Honor� de Balzac, th�se soutenue � l�Universit� de la Sorbonne nouvelle-Paris III le 26 novembre 2003, sous la direction de Philippe Hamon.

            Ce travail a pour objet l�usage fait par Balzac du � signe � et de la raison herm�neutique. De 1829 � 1848, La Com�die humaine tout enti�re est centr�e sur ce r�gime de savoir qui voue les mat�riaux repr�sent�s � incarner le sens, � dispenser une connaissance, � signifier . Dans l�id�e d�analyser les tenants et aboutissants du � paradigme indiciaire � (Carlo Ginzburg), nous avons donc observ� les dispositifs et les dynamiques, les sc�narios imaginaires et les strat�gies textuelles au gr� desquels les relations entre �tre et sens se mod�lent, s�infl�chissent et s�alt�rent, se forment et se transforment.

            La raison herm�neutique a une histoire. Reposant sur les dualismes sensible-intelligible et apparences-essence, elle proc�de d�un h�ritage platonicien ; mobilisant le principe de l�incarnation, selon lequel la transcendance prend corps � m�me l��tre ou comme �tre, elle est tr�s largement inform�e par la pens�e chr�tienne ; enfin, elle manifeste chez Balzac un int�r�t d�terminant pour certaines pratiques scientifiques et culturelles reconnues ou invent�es dans les ann�es 1830-1840, comme la physiognomonie et la phr�nologie, le r�cit policier, la � litt�rature panoramique � ou la daguerr�otypie. Mais notre th�se a essentiellement travaill� � explorer le sort et les ressorts romanesques du questionnement herm�neutique, pour montrer en quoi la litt�rature pouvait constituer une � forme du conna�tre � (Pierre Macherey) bien particuli�re, et proc�der d�une ambition unique : l�institution d�un plan imaginaire o� se t�lescopent, se conjoignent (et s�indistinguent) repr�sentation et signification.

            Les enjeux de cette exploration, plus pr�cis�ment, sont de trois ordres. Le premier est d�ordre critique  : � la suite de nombreuses �tudes balzaciennes s�miotiques ou narratologiques d�j� centr�es sur la question du signe, l�objet de notre lecture � immanente � est d�abord et avant tout La Com�die humaine, avec ses mat�riaux �pist�mologiques et esth�tiques de base � La Com�die humaine saisie, malgr� d�in�vitables d�s�quilibres dans l�analyse du corpus , dans son int�gralit�. Le deuxi�me enjeu est d�ordre historique  : l�herm�neutique balzacienne est en devenir, de La Peau de Chagrin au Cousin Pons, et semble un espace de pens�e charni�re o� se nouent id�alisation, d�voiements et d�passement de la conjonction �tre-sens ; elle occupe une place cruciale dans l�histoire litt�raire, et plus largement culturelle, de la platitude au XIXe si�cle. Le troisi�me enjeu est d�ordre th�orique  : expressif, le signe projette ou reproduit au sein de l�espace fictionnel l�articulation entre la litt�rature et son dehors (la pens�e philosophique tout particuli�rement) ; trame du monde repr�sent�, expos� et d�chiffr� comme tel [1] , il dit quelque chose d�essentiel quant � la � chose litt�raire � elle-m�me, v�ritable � forme-sens � (Henri Meschonnic).

            Ces trois enjeux engagent une interrogation adjacente, d�ordre m�thodologique , touchant aux fa�ons de faire dans l�ordre de la recherche litt�raire. Notre travail pr�sente cette singularit� d��pouser les lignes de cr�te de l��pist�mologie balzacienne, son �tat toujours critique, et non ses dires et ses stases d�j� pr�-d�coup�s : � l�enjeu n�est pas de restituer les continuit�s bris�es (...), mais de penser ces brisures elles-m�mes � [2] . Pour ce faire, pour observer � comment le texte voyage �, selon l�expression de Barthes, nous avons proc�d� de la fa�on suivante.

            Dans une premi�re partie, nous sommes revenu sur le r�gime �pist�mique qui fonde tr�s largement, dans La Com�die humaine, la relation entre �tre et sens. Donnant leurs lettres de noblesse au genre romanesque, les splendeurs de l�herm�neutique balzacienne font des corps repr�sent�s un ensemble de signes r�v�lant un savoir ou produisant une connaissance. Ce ph�nom�ne de transsubstantiation repose sur des matrices particuli�res (chap. I). D�abord, la question herm�neutique est l�objet d�une structuration narrative qui rend souhaitable et centrale l�exposition du sens ; cette conduite du r�cit a une fonction pragmatique (elle motive et agr�mente la lecture) autant qu�axiologique (elle permet de hi�rarchiser le personnel du roman). Ensuite, l�exposition de l�objet herm�neutique passe par un discours � dominante descriptive, pour se faire repr�sentation (picturale) ou spectacle (th��tral) cr�dibles et d�taill�s. Enfin, pour rendre f�cond l�exercice de la pratique herm�neutique, le romancier recourt � la th�matique de l�observation et � des op�rateurs d�intelligibilit� qui partagent le roman en sujets et en objets de l�analyse ; les dispositions mentales et les dispositifs techniques ainsi convoqu�s l�gitiment les d�chiffrements et les interpr�tations qui rythment et d�finissent le roman balzacien.

Ces conditions de possibilit� d�finies, nous avons rappel� quels �taient les constituants et les dispositifs majeurs de l�herm�neutique � l��uvre dans La Com�die humaine (chap. II). Balzac �rige les corps repr�sent�s au rang de traces, de sympt�mes, d�indices ; il mobilise � cet effet des supports sensibles et des types de r�v�lation permettant le passage ou l�institution du sens. Cette �laboration a exig� que nous nous int�ressions � l��nonciation descriptive, � partir de cas de figure bien pr�cis, pour examiner comment l�expressivit� s�exposait dans le d�tail. Il se joue en effet dans l�op�ration herm�neutique un jeu particuli�rement complexe entre d�chiffrement-interpr�tation (du singulier) et typisation-cat�gorisation (en g�n�ralit�s) ; c�est au passage fr�quent du � paradigme indiciaire � � la logique symbolique, en termes s�miotiques, que la fin de notre premi�re partie a �t� consacr�e, pour examiner certains enjeux cognitifs des proc�dures d�identification romanesque.

 

Dans une deuxi�me partie, nous avons �tudi� la physique du sens qui proc�de du paradigme herm�neutique, en tentant de montrer qu�il s�agissait l� d�une v�ritable ex�cution du platonisme. Balzac tend � valoriser une ontologie profond�ment mat�rialiste, en pr�f�rant � la verticalit� des principes transcendants et des mouvements d�abstraction l�inscription du sens � m�me les chairs repr�sent�es, l�inscription du sens comme chair. Il convient de constater, de fait, que les alt�rations du r�gime d�crit plus haut sont de taille (chap. III) : de nombreux signes r�sistent � l�interpr�tation, de sorte que le savoir du narrateur et des personnages se trouve souvent mis � l��preuve ; le romancier d�pr�cie de fa�on r�currente la logique m�me du d�chiffrement, et valorise en retour les formes ou les figures singuli�res, inclassables et fuyantes.

            Si ces fragilisations du dualisme �tre-sens sont le fait de strat�gies locales, elles nous invitent � explorer la mise en place d�une conception et d�une �criture mat�rialistes de l�expressivit�. Une repr�sentation � immanentiste �, pour reprendre le terme de Deleuze, selon laquelle la mati�re repr�sent�e � poss�de une pens�e � [3] (chap. IV). Un certain nombre de configurations imaginaires d�une part, mobilis�es � titre m�taphorique ou figur�es comme objets romanesques, mat�rialisent l�impr�gnation du sens dans l��tre � parmi lesquelles l�empreinte, le pli et le signe graphique. Un appareil grammatical complexe, d�autre part, sert � exprimer � l��crasement de toute m�diation � (Georges Didi-Huberman) et � �laborer un univers sans transcendance (cf. surtout certains usages de la pr�position et du verbe) ; il arrive m�me que l�immanence force la langue, preuve d�un possible d�raillement. Mais la logique de l�impr�gnation semble moins une subversion qu�un ach�vement de l�entreprise herm�neutique, f�t-il animiste, et nous l�avons interpr�t� comme une stase interm�diaire, ouvrant la seule possibilit� d�une absorption et d�un aplatissement du sens.

            Cette �mergence du principe de consubstantialit� conduit � d�crire la � philosophie litt�raire � [4] de Balzac comme un � spinozisme en devenir � (chap. V). L��thique de Spinoza, dont les premi�res propositions ont fait l�objet d�une traduction par le jeune Balzac (vers 1819), traduction analys�e dans le pr�sent travail, semble constituer le terreau de l�ontologie romanesque et de l�immanence qu�elle consacre. Mieux : nous avons pu conclure cette deuxi�me partie en montrant que le texte balzacien exigeait d�inf�rer de la conception spinoziste des signes sensibles (repr�sent�s dans le roman), une th�orie du signe litt�raire (constitu� par le roman), du signe litt�raire compris comme � forme-sens �.

            Dans une troisi�me partie, nous avons d�crit une inflexion plus fondamentale encore dans l�usage fait par Balzac de la repr�sentation du signe et de la signification : le passage au paradigme de la superficialit�. Entendons par superficialit� cette mise en �vidence des seules surfaces planes, c�est-�-dire des surfaces figur�es dans le roman en tant qu�elles se voient affranchies de toute profondeur ou de toute transcendance. Si l��tre semble toute surface, dans cette part maudite (mais omnipr�sente) de La Com�die humaine o� r�gne le non-sens, c�est en raison de la place prise par la platitude . Cette platitude, nous avons d�abord cherch� � en comprendre l��mergence (chap. VI). � l��re du daguerr�otype surtout � dans le texte des ann�es 1840 � la soci�t� du roman bascule dans les affres de la superficialit� par � exc�s d�incarnation � : c�est semble-t-il parce que le sens s�incarne, prend d�finitivement corps, se r�alise comme corps, que les apparences en viennent � s�autonomiser. Ainsi le statut conf�r� au para�tre et � la compacit� conduit-il � resituer l�esth�tique de Flaubert dans le droit fil de l��pist�mologie balzacienne.

            La platitude a de multiples visages, chez Balzac, et nous avons donc analys� ses quelques formes dominantes (chap. VII) : le romancier d�valorise cette d�g�n�rescence et cette affirmation mat�rialistes dans la repr�sentation d�une figure , celle des petits-bourgeois, � peuple aplati � (Le P�re Goriot) qui suscite une g�om�trie dans l�espace et l��laboration d�un bestiaire particuli�rement riches. Il la manifeste dans la repr�sentation d�une pratique , celle de la collection, dont le caract�re embourgeois� dit manifestement beaucoup de la structure Com�die humaine. Il la manifeste enfin dans la repr�sentation d�une donn�e psychologique, elle aussi majeure dans le r�alisme des ann�es 1840-1850 : la b�tise ; la b�tise qui, avant Flaubert, donne lieu � un questionnement relatif � l��tre (l��tre comme b�tise) et au discours (le discours comme clich�) bourgeois. Cette mise sous verre g�n�ralis�e ne devant pas cacher l�ambivalence fonci�re de la platitude balzacienne, th�matis�e � la fois comme surface et compacit�, vacuit� et trop-plein, fixation et mise en s�rie, conqu�te et mise en crise, objet repoussoir et objet de fascination.

            La platitude s�impose ainsi au roman (chap. VIII). Relevant d�uneconfiscation petite-bourgeoise, l�immanence faite superficialit� ne semble pas condamn�e aussi irr�vocablement que chez Flaubert. Les vertus paradoxales conf�r�es aux corps de surface caract�risent d�une certaine fa�on la � modernit� � de Balzac. Nous avons du reste pu voir que les portraits de l��crivain en petit-bourgeois emp�chaient toute mise � distance critique d�finitive des personnages superficiels, et qu�une forme de contamination, consistant � � prendre le visage de ses pratiques � (Les Paysans), affectait la texture m�me de la prose balzacienne. C�est dire si ce r�gime du non-sens impose un remodelage complet du syst�me axiologique, �pist�mologique et esth�tique mis en place dans et par La Com�die humaine.

            Dans une quatri�me partie, nous avons examin� comment une attention toute particuli�re port�e � l�horizontalit� du monde repr�sent� permettait � Balzac de d�passer cet aplatissement critique, et d�inventer une red�finition de la signification comme � espacement � [5] . Cette esth�tique de l�espacement, par laquelle la mati�re romanesque recouvre un dynamisme pensable en terme de � forces �, montre que l�immanence est autant un risque d��crasement qu�une ouverture au devenir. Dans le cadre d�une logique non-dialectique, elle repose sur une structure � la structure du � plan d�immanence � (Deleuze) �, et sur une proc�dure � la proc�dure de l��cart. Tel qu�il se trouve figur� dans cette Com�die humaine en mouvement (peu th�oris�e), le signe appara�tra progressivement comme la condition d�un �cartement et d�un �largissement, d�une prise de forme et d�une prise de contact en vertu desquelles la soci�t� de Balzac s��toffe, gagne en � volume � et en capacit� d�expansion.

            Nous sommes d�abord revenu sur un certain nombre de mod�les philosophiques permettant de mieux comprendre et de mettre en perspective cette esth�tique de l�espacement (chap. IX) : la kh�ra platonicienne, le clinamen lucr�tien, la substance spinoziste et la diff�rance derridienne, entre autres, quelles que soient leurs singularit�s respectives, configurent des plans o� l��tre appara�t non pas tant comme chair (faisant se r�v�ler l�intelligible dans le sensible) que comme corps (rentrant par d�finition en composition avec son dehors) ; ils nous fournissent de ce fait un outillage th�orique d�importance. Puis nous avons explor� les diverses � esp�ces d�espacement � mod�lis�es dans La Com�die humaine elle-m�me (chap. X) : l�esp�ce � organicit� �, celle que constituent l�arbre, le plan et la machine ; l�esp�ce � circulation �, fond�e sur une logique du flux et de la canalisation plut�t que sur l�imaginaire de la partie et du tout ; l�esp�ce � harmonie �, enfin, qui partage avec ses cons�urs d�allure saint-simonienne et fouri�riste une ambivalence fonci�re : comme elles, l�harmonie est une � maquette � alternativement valoris�e et disqualifi�e, chez Balzac, au gr� du cotexte o� elle se manifeste.

            Mais le romancier n�expose pas simplement des mod�les r�duits d�espacement. Il met en �uvre un devenir autrement surprenant, faisant des �l�ments de la fiction de v�ritables mati�res � transformation. Ce r�enchantement affecte deux niveaux bien distincts. Le niveau de la repr�sentation, d�une part (chap. XI) : la repr�sentation des corps sensibles ressort d�une po�tique de la dissipation o� le romancier � subtilise � le sens, au double sens du terme � subtiliser �, po�tique de la dissipation th�oris�e dans Le Chef d��uvre-inconnu. Le niveau de la narration, d�autre part (chap. XII) : la mise en place du syst�me des personnages reparaissants impose la constitution de � figures-clinamen  �, tissant le roman de prises et de d�prises de contact complexes. La Com�die humainecaract�rise les corps comme des singularit�s et des � points d�inflexion � [6] , comme des diff�rences faisant �uvre de planification.

            La singularit� de notre parcours impose, en conclusion, de revenir sur la logique pr�sidant aux d�placements �pist�miques r�sum�s ici-m�me. C�est � du dedans � [7] de l��uvre balzacienne que l�objet � signe � change de statut. C�est � du dedans � de l��uvre balzacienne que l�herm�neutique du sensible ouvre la possibilit� d�une ontologie de l�immanence, et que cette ontologie ouvre la possibilit� d�une esth�tique du devenir. Notre travail aura tent� d�appr�hender au plus pr�s de la prose romanesque cette plasticit� essentielle � la plasticit� des rapports � qu�une rationalit� entretient avec son imaginaire � [8] .



[1] Dans les termes de Ricoeur, il s�agit d�une � chose du texte �, relevant du dit et non du dire romanesque (v. Du texte � l�action. Essais d�herm�neutique II, Seuil, coll. � Points Essais �, 1986, p. 130, 140 et 187). Il n�est pas question ici du signe (au sens) � linguistique �, sauf de fa�on occasionnelle. Notre travail porte sur les signes repr�sent�s comme signes, sur les interpr�tations th�matis�es dans l��uvre, sur le corpus herm�neutique lui-m�me ; il ne porte donc pas non plus sur les �l�ments du roman susceptibles d��tre transform�s en signes par des op�rations de lecture conjecturales.

[2] Georges Didi-Huberman, � Montage des ruines �, conversation avec Guy Astic et Christian Tarting, Simulacres , n� 5, septembre-d�cembre 2001, p. 13.

[3] Gaston Bachelard, L�Eau et les r�ves. Essai sur l�imagination de la mati�re, Jos� Corti, 1942, p. 232.

[4] Pierre Macherey, � quoi pense la litt�rature ? , PUF, coll. � Pratiques th�oriques �, 1990, p. 11 et 193.

[5] Le terme d�� espacement � est emprunt� � Roland Barthes (Le Neutre. Cours et s�minaires au Coll�ge de France (1977-1978), �tablis, annot�s et pr�sent�s par Thomas Clerc, Seuil-IMEC, coll. � Traces �crites �, 2002, p. 190), et � Jacques Derrida ; v. La Voix et le ph�nom�ne. Introduction au probl�me du signe dans la ph�nom�nologie de Husserl, PUF, coll. � Quadrige �, 1967, p. 96 ; � La diff�rance �, Marges. De la philosophie, Minuit, coll. � Critique �, 1972, p. 6-8 ; et Le Toucher, Jean-Luc Nancy, Galil�e, coll. � Incises �, 2000, p. 221.

[6] Nous reprenons, ici comme ailleurs, le vocabulaire de Deleuze : � Je dirais tr�s sommairement qu'une singularit� c'est une inflexion, ou si vous pr�f�rez un point d'inflexion. [Et] le monde est la s�rie infinie des inflexions possibles. (...) Une singularit�, c'est l� o� se passe quelque chose dans une courbe � (Cours sur Leibniz du 27 janvier 1987).

[7] Sur ce � dedans �, v. � Image, mati�re, immanence. Entretien avec Georges Didi-Huberman �, Rue Descartes, n� 38, d�cembre 2002, p. 91.

[8] Michel de Certeau, L�Invention du quotidien. I : Arts de faire, nouvelle �dition �tablie et pr�sent�e par Luce Giard, Gallimard, coll. � Folio Essais �, 1990, p. LII.

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