La Production de l'immat�riel
th�ories, repr�sentations et pratiques de la culture au xix e si�cle
Le xix e si�cle voit non sans un certain malaise se red�finir de fond en comble la nature, le statut, les modalit�s et les fonctions des pratiques intellectuelles ou artistiques. Bon gr� mal gr�, elles commencent en effet alors � n��tre plus con�ues comme des activit�s lib�rales, au sens antique du mot, c�est-�-dire destin�es et r�serv�es � l�otium des hommes libres, ou, selon un mod�le moins h�doniste, comme des activit�s d�ordre essentiellement spirituel et devant par cons�quent �chapper aux r�gles et contraintes d�ici-bas. Quelle que soit leur difficult� � penser le ph�nom�ne autrement que comme un scandale, � trouver des mots pour le dire et, une fois qu�ils en ont pris la mesure, � l�int�grer dans leurs syst�mes de valeurs et dans leurs pratiques sociales, les contemporains se r�veillent de la r�volution politique fran�aise et de la r�volution industrielle anglaise avec le sentiment que les travaux de l�esprit deviennent des productions � part enti�re : productions paradoxales, certes, puisque immat�rielles, � la diff�rence de celles qui r�sultent des m�tiers et de l'industrie ; mais productions bien r�elles, dans la mesure o� elles prennent d�sormais la forme de biens �valuables, susceptibles d'ali�nation et d�appropriation, d'exploitation commerciale et de consommation. Cette �volution, qui s�accentue tout au long du si�cle, installe au bout du compte la situation actuelle, o� la � culture � a pris rang de besoin essentiel et fonctionne comme une �conomie tout en refusant le principe marchand. En rendre compte passe probablement par un examen attentif du contexte et des effets des grandes mutations survenues � l��chelle de l'Europe moderne dans son ensemble. Parmi celles-ci, certaines sont � situer dans la sph�re des id�es : maturation de la philosophie du sujet et pr��minence des droits de la personne qui en d�coulent ; institution de l��conomie politique et approfondissement de ses incidences sur la philosophie politique elle-m�me ; surgissement des utopismes sociaux qui travaillent la premi�re moiti� du si�cle et conqui�rent le devant de la sc�ne id�ologique dans la seconde� D�autres mutations, plus concr�tes, ont trop rarement �t� envisag�es du point de vue que nous proposons. Ce sont les notoires op�rations de remodelage des soci�t�s et des �conomies post-r�volutionnaires par le capitalisme industriel : l��mergence des classes moyennes et le d�veloppement des professions intellectuelles ; l'autonomisation de la litt�rature et des arts ; la naissance de nouveaux modes de production, de reproduction et de diffusion des biens culturels, jusqu�au seuil de leur massification ; la constitution de puissants syst�mes de m�diation (et de m�diatisation) � l�origine de la structuration des champs d'activit� symbolique. La r�sistance de l�immat�riel au mat�riel ou sa docilit� (selon les �tapes du d�veloppement, les secteurs d�activit�, les pays), l�interaction entre les deux plans ou leur d�couplage, parfois leur antagonisme, ne sont pas les moindres des probl�mes. Des synergies et des oppositions se d�gage une �nergie cr�atrice sans pr�c�dent, naissent des genres et des formes litt�raires et artistiques d�une radicale nouveaut�. C�est bien pourquoi le xix e si�cle est � ce point un si�cle d�invention. Or ce qu�il invente et fonde du m�me coup, ce sont non seulement des produits divers, durables ou p�rissables, mais un mod�le europ�en de production culturelle dont des traits essentiels � la r�f�rence aidera � mieux comprendre notre objectif � ont �t� saisis par Walter Benjamin dans sa r�flexion sur la modernit� selon Baudelaire. En nous fixant pour point de rassemblement la probl�matique de � la production de l�immat�riel �, nous proposons en somme de revenir, dans le cadre d'un colloque pluridisplinaire et international, sur ce qui pourrait bien �tre la contribution structurelle et sp�cifique du xix e si�cle � l'histoire culturelle europ�enne. En pratique, nous sugg�rons de centrer les analyses sur trois objets et de les examiner en croisant trois points de vue. Le premier objet est d'ordre th�orique, et concerne les mod�les juridiques, politiques et �conomiques que pr�suppose la notion de � production immat�rielle � : par exemple, il pourra �tre question, dans cette section, de se pencher sur le corpus des red�finitions de l'activit� intellectuelle, de l�h�ritage reformul� des Lumi�res aux nouveaux dogmes de la IIIe R�publique en passant par le laboratoire id�ologique des �ruptions r�volutionnaires et des doctrines sociales de tous bords, sans oublier les principes qui inspirent les politiques (ou absences de politique) des diverses sensibilit�s politiques et des diff�rents �tats-nations dans le domaine de la cr�ation, de l�aide aux cr�ateurs et du service public. Le deuxi�me objet, plus historique, est le syst�me de production des biens immat�riels lui-m�me, examin� sur le plan des r�alit�s socio-�conomiques et culturelles : il englobe, entre autres, les mutations de l'�dition et de la presse, les innovations technologiques, industrielles et commerciales, l'organisation des champs culturels � en un mot, tout ce qu'implique, aujourd'hui, l'�conomie de la culture. Le troisi�me objet, sp�cifiquement esth�tique, porte sur les attitudes que les cr�ateurs (producteurs ? improducteurs ?) d'immat�riel sont amen�s � adopter face � cette logique de production, qu'ils l��pousent ou qu'ils d�cident de faire s�cession, en manifestant par leur propres choix artistiques leur volont� de d�mat�rialiser la culture : outre le travail sur les formes que mettra au jour l'�tude singuli�re et concr�te des �uvres, de leur � gen�se �, du fonctionnement m�me des �crivains en train d��crire et des artistes � l�ouvrage, on ne n�gligera pas la question plus g�n�rale de l��thique auctoriale, intimement li�e � l�intentionnalit� des �uvres, � leur sens ou � leur d�faut de sens. Quant aux trois points de vue que, par commodit� mais un peu artificiellement, nous proposons de distinguer, ils permettront d'�tudier s�par�ment : les doctrines elles-m�mes (philosophiques, �conomiques ou esth�tiques) ; les repr�sentations dont il faut chercher la trace plus diffuse dans les comportements, les discours ou les pratiques ; les r�alisations concr�tes, autrement dit les productions, canoniques ou ill�gitimes, patrimoniales ou marginales, raffin�es ou populaires, uniques ou multipli�es. On aura en somme compris que cette double tripartition, malgr� son caract�re rudimentaire et �minemment discutable, est un appel � articuler du mieux possible quatre d�marches scientifiques et disciplinaires : les sciences sociales, l'histoire, l�histoire des arts, l�histoire litt�raire. Colloque interdisciplinaire et international, Lyon, mercredi 14 mai-vendredi 16 mai 2003 Sous l��gide de la Soci�t� des �tudes Romantiques et Dix-Neuvi�mistes,co-organis� par
Responsables : Jean-Yves Mollier, Philippe R�gnier et Alain Vaillant Comit� scientifique : Jos�-Luis Diaz (Universit� Denis Diderot-Paris 7), Pierre Georgel (Mus�e de l�Orangerie), Jean-Yves Mollier (Universit� de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines), Christine Plant� (Universit� Lumi�re-Lyon 2), Philippe R�gnier (CNRS, LIRE), Marie-�ve Th�renty (Universit� Paul Val�ry-Montpellier 3), Alain Vaillant (Universit� Paul Val�ry-Montpellier 3).
Secr�tariat du colloque
Pour tous
renseignements, s�adresser � �lisabeth Ba�sse,
Voir le site de LIRE : http://www.ish-lyon.cnrs.fr/labo/LIRE |
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